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« Collabs » : quand les marques alsaciennes s’unissent autour d’un produit
2023-11-20 19:30
DNA - Les Dernières Nouvelles d'Alsace
Fortwenger et Alélor, Sautter et Comptoir français du thé, Licorne et Maison Adam… Sur la planète agroalimentaire alsacienne, les collaborations entre entreprises réputées se multiplient. Manière d’affirmer conjointement des valeurs, de répondre à l’aspiration grandissante au consommer local et, le plus souvent pour les intéressés, de se faire plaisir.
Hélène David - 20 nov. 2023 à 19:30 - Temps de lecture : 6 min
Le moutardier Alélor à Mietesheim fait partie de ceux qui travaillent avec d’autres entreprises alsaciennes à l’élaboration de nouveaux produits. Photo T homas Toussaint
C’est un petit « x » bien connu des fondus de marketing qui fleurit depuis plusieurs années pour signer les collaborations, durables ou éphémères, entre marques ou personnalités, de l’univers du luxe et de la mode le plus souvent. Parmi les plus emblématiques, à titre d’exemple, celle qui unissait jusqu’à peu Adidas à Beyoncé.
En Alsace, dont on sait le goût pour la gastronomie, des acteurs bien établis du secteur de l’agroalimentaire s’associent depuis quelques années, dépassant la relation acheteur fournisseur pour afficher conjointement leur logos.
La collaboration entre Sautter et Comptoir français du thé a nécessité plusieurs mois de recherche.
Dernière collaboration en date : « So’Thé », nouvelles boissons consignées à base de jus de pommes et de thé ou de maté et d’eau, fruits de la collaboration entre deux maisons alsaciennes, Sautter Pom’Or et Comptoir français du thé. « Cela faisait deux ans que l’on avait le projet de proposer une boisson avec du thé, retrace Nathalie Schutz, à la tête du producteur de jus de Sessenheim. On avait l’expertise de la partie jus, pas celle du thé. » L’entreprise a trouvé cette dernière chez Comptoir français du thé, dont elle vendait certains produits dans sa boutique. Les deux acteurs ont « phosphoré » ensemble pendant plusieurs mois pour mettre au point des recettes qui permettent à l’un d’innover, à l’autre de « faire sortir le thé de la tasse et d’exporter cette culture du thé », selon Gilles Werlé, directeur général de Comptoir français du thé. Ils se sont retrouvés, disent-ils, autour d’une approche et d’une sensibilité commune. Leur union est « une force en matière de distribution et un gage de qualité pour les consommateurs à l’heure du consommer local », livre Gilles Werlé qui mise notamment sur le réseau de cafés, hôtels et restaurants alsacien et mosellan.
Le « Régal du Brasseur », un fromage affiné à la Licorne Black par la Maison Lohro.
Lorsque la brasserie Licorne et la fromagerie Maison Lohro se sont unies il y a une dizaine d’années pour donner naissance au « Régal du Brasseur », un fromage affiné à la bière Licorne Black, la collaboration devait être éphémère. Elle n’a jamais cessé. « On en vend à travers le pays et dans d’autres », signale Christelle Lohro , personnalité bien connue et coutumière de ce type d’aventures qui sont « toujours des histoires d’amitié », insiste-t-elle. « Des histoires de copains, d’affinités, mais pas d’opportunités économiques ou de marketing », abonde Pierre Wey pour Licorne, sans nier que ces mariages – d’amour et non de raison – permettent au passage d’étendre les circuits de distribution et la notoriété des partenaires. « La philosophie c’est qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien, mais il n’y a pas de raisonnement mercantile », ajoute-t-il.
« Leurs clients sont nos clients »
Ainsi la brasserie s’est-elle déjà associée à la pâtisserie boulangerie Reutenauer pour mettre au point un pain à la bière, ou plus récemment à l’artisan charcutier Maison Adam. La saucisse à griller noire à la Licorne Black, commercialisée cet été, devrait l’être à nouveau l’été prochain. « Je les avais sollicités par affinité, me disant qu’on avait probablement des choses en commun », retrace Pierre Wey.
Pour Steve Risch, patron du fabricant de pains d’épices Fortwenger , ces projets naissent aussi d’une volonté de « faire du local » et de « se soutenir entre PME alsaciennes » en misant sur des synergies évidentes : « Leurs clients sont nos clients, leurs collaborateurs aussi », pose-t-il. Sur les emballages de ses biscuits salés, le fabricant a souhaité faire apparaître les logos de la Maison Dodin pour une recette au munster, d’ Alélor pour une autre à la moutarde à l’ancienne. « C’est un engagement durable, de conviction, qui se base sur la confiance que l’on a dans les entreprises et leurs dirigeants », pose Steve Risch qui n’exclut pas de reproduire ce type de partenariat. « Le jour ou Fortwenger sortira un produit au café, ce sera avec les Cafés Sati », glisse-t-il.
Meteor x Alélor : ceci est un pot de moutarde. Photo Stéphane Kraemer
« Ces cobrandings , estime le patron d’Alélor Alain Trautmann, sont une manière de nous adresser aux consommateurs qui sont sensibles à la réunion de deux acteurs alsaciens. » Outre Fortwenger, la fabrique de moutarde de Mietesheim s’est ainsi liée aux brasseries Meteor et Licorne pour deux moutardes à la bière vendues en galopins, la brasserie Uberach pour une bière au raifort et plusieurs charcuteries alsaciennes (Iller, Pierre Schmidt et le Tripier alsacien) pour différentes recettes. À venir, à condition d’identifier le bon partenaire auquel associer nom et logo : une moutarde à la bière cosignée par deux acteurs alsaciens.
Partage de valeurs
Les Jardins de Gaïa , producteur de thé bio depuis près de trente ans et très engagé dans la responsabilité sociétale, ont souvent été sollicités pour accoler leur logo à des projets. Mais « le socle de nos collaborations repose toujours sur un partage de valeurs », souligne Cassandre Maury, la directrice générale. C’est via un atelier de dégustation organisé à la Maison de thé de l’entreprise, à Wittisheim, que le contact a été établi avec Cacao Expérience, artisan chocolatier strasbourgeois lui-même engagé dans une démarche « de la fève à la tablette » qui entend notamment développer une relation juste avec les planteurs. Les deux étaient faits pour s’entendre. Ils ont travaillé conjointement à l’élaboration d’une tablette de chocolat blanc au matcha commercialisée depuis septembre 2022 dans les réseaux de distributions bio et épiceries fines. En 2016 déjà, l’entreprise s’était associée à alsacien Biobrasseurs pour l’accompagner dans l’élaboration de son kombucha. « On se soutient mutuellement », résume Aurélie Rohmer, en charge du développement de produits qui insiste elle aussi, avant tout, sur une volonté de « se faire plaisir avec des interlocuteurs qui nous ressemblent ».
Ganache au combava, pâte d’amande aux zestes d’orange et piment ancho, praliné aux noix de cajou et curcuma : c’est toujours pour « se faire plaisir » que l’institution de pâtisserie chocolaterie strasbourgeoise Christian et la Maison d’épices George Colin ont tout récemment créé, en édition limitée, un calendrier de l’avent unissant leurs savoir-faire respectifs – avant que le pâtissier Christophe Meyer ne rende son tablier. « Quand les collaborations naissent, c’est toujours avec des gens avec lesquels on a déjà travaillé et pour des projets qui viennent naturellement », explique Eric Colin. « C’est presque dans notre ADN de collaborer avec ceux qui savent mettre en valeur nos ingrédients. » La première est née avec le chef du restaurant gastronomique mosellan le Toya : des mélanges d’épices réalisés sur mesure, utilisés dans plusieurs recettes, et commercialisés dans la boutique strasbourgeoise – avec un packaging reproduisant fidèlement le tatouage du chef. D’autres ont émergé avec les restaurants alsaciens La Merise à Laubach ou Tzatzi et Chère Amie , à Strasbourg. « À chaque fois, on se dit que c’est éphémère mais comme les clients aiment, on continue. » D’ailleurs, certaines collaborations ont permis de rajeunir la clientèle du magasin, note le président de Colin Ingrédients. Du plaisir fructueux, en somme. Avec Lohro, « on s’est dit que l’on pouvait s’amuser pour les raclettes et les fondues », retrace-t-il encore. Ont ainsi vu le jour trois recettes « Georges Colin x Maisons Lohro ». Le meilleur de deux mondes.